Parfois ma lèvre s'abandonne et Lui murmure
Des aveux, et, sans plus les réserves qu'il faut !
C'est tout nu que je m'offre à ses yeux de gerlaut :
Telle une fleur, dès que s'écarte la ramure.
Elle sait ma douleur cuisante, et qu'il est faux !
Cet air d'indifférence où je me claquemure
Et si parfois l'Orgueil me vêt de son armure,
Sa malice sourit d'en nombrer les défauts.
Plus Elle s'ingénie à percer mon mystère,
Moins — naïf que je suis ! — j'observe de me taire,
Mais souvent je frissonne à songer que, demain,
Ces secrets échappés dans l'amoureuse ivresse,
Pour mon cœur, dès qu'exorcisé de Sa caresse,
Seront peut―être autant de flèches dans sa main !
J'arrive épris de calme et paisible entretien,
Et voici qu'Elle laisse aller la file d'oies
De gros rires à me conter les vaines joies
De Sa vie où mon sentiment n'entre pour rien.
Son cœur ! Je ne puis pas deviner s'il est mien,
Sous les baisers indifférents qu'Elle m'octroie,
Et tant de nonchalance éclate en son maintien,
Que vraiment ! Elle me désole et m'apitoie.
Pas un regret de mon absence, et puis cet air
D'être à l'envers ! d'avoir toujours la tête en l'air !
Nul souci de glisser plus d'âme en l'accolade
Et lorsque dans la plaie Elle a tourné le fer,
Il lui vient à la lèvre, à me surprendre amer,
Cette sollicitude étrange :« Es-tu malade ? »
Ernest Raynaud