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Notre ami et collaborateur Louis Dumur vient de publier une série de poèmes sons ce titre: La Néva.
L'œuvre se recommande à l'attention par des qualités de premier ordre ; elle étonne par le caractère tout spécial de sa prosodie.
Celle-ci offre de telles nouveautés qu'elle demande une sérieuse critique, l'étude de tous autres points intéressants dût-elle — de par les limites que nous impose cette revue — en souffrir peu ou prou, à notre très grand regret.
À l'encontre de la plupart des poètes de ce temps, qui demandent pour le vers et la strophe une liberté sans cesse grandissante, M. Dumur veut enserrer la poésie française dans de nouveaux liens. Non-seulement il compose, à de très rares exceptions près, ses poèmes en vers de longueur pareille et en strophes de contexture identique, mais il leur impose encore un rythme implacable, auquel il leur interdit de se soustraire jamais.
« Les présentes pièces, écrit-il dans une note préface placée en tête de La Néva, sont toutes rythmées d'après les lois de l'accent tonique. » Et, après avoir donné une théorie de l'accent tonique, qu'il importe de discuter, car elle lui est absolument personnelle, il ajoute : « Le vers se scande en pieds. Les deux pieds les plus propres à notre langue sont : l’ïambe(une syllabe atone et une syllabe tonique), l’anapeste {deux syllabes atones et une tonique) ; ils sont dans l'essence de la langue. Il y aura donc des vers ïambiques, des
vers anapestiques et des vers anapesto-ïambiques : ces derniers résultant de la combinaison
dans un même vers d'ïambes et d'anapestes. »
Si, résistant à la tentation de voir immédiatement quelle physionomie ont les vers ainsi dési-