IV
l'automne
Le temps morne est plus bis que le pain du salaire.
L'épargne de l'Automne enterre les trésors
Des arbres ruinés semant leurs derniers ors.
Dans le matin phtisique un grand disque solaire
Bâille, lugubre : son rouge trou pantelant
Semble la bouche des fourneaux chauffés à blanc ;
Et rude aux meurt-de-faim que sa voix accélère
La cloche sonne son appel haï de tous ;
Symbole ricaneur de leurs quintes de toux !
Le temps morne est plus bis que le pain du salaire.
l'hiver
Sur la route sans fin au travail gémissant
Rôde l'Hiver d'un pied ouaté d'homme qui tue…
Des baisés purs dont la pudeur s'est dévêtue
Sont allés mendier la lèvre du passant…
Un cri de mort jaillit ! Mort sans doute bénie !
Et dans l'inconscient dédain de l'agonie
Que montre le poignard damasquiné de sang,
Tandis que l'un enlace et que l'autre foudroie,
Le Z de la bielle et le 8 de la courroie
Vont leur route sans fin au travail gémissant.
la nuit
La Cheminée en feu que le vent échevèle
S'érige dans la Nuit dont les larmes d'argent
Évoquent les sanglots d'un chômage indigent,
Et sous la noire paix du deuil tout se nivèle.
— Courage, pauvre gueux que la misère abat !
C'est du fumier de ton prolifique grabat
Que sont nés les forgeurs de l'Aurore nouvelle,
Aurore de bonté qui rêve le pardon…
Mais ce sera peut-être un terrible brandon
La Cheminée en feu que le vent échevèle !
Paul Roinard.