Au Docteur A.-F. Plicque.
Sur la grève qu'avaient souillée
Les conquérants et les héros,
Près de la mer pacifiée
Pleine de frissons auguraux,
Des poings perdus dans les crinières
De leurs chevaux roses et blancs,
C'étaient les bonnes aumônières
Qui reviennent tous les mille ans.
Cymodoce, Aglaure, Euryanthe,
Au caprice d'un galop fou,
Elles passaient : leur flamboyante
Chevelure brûlait leur cou.
Lèvres plus douces que la soie
Et plus divines que les cieux,
Elles chantaient un chant de joie
Vers l'Océan mystérieux.
Tandis que vibraient des abeilles
Autour des étalons loyaux,
Elles plongeaient dans des corbeilles
Leurs bras riches de lourds joyaux,
Et brandissant leurs mains sacrées,
Douces aux yeux voilés de pleurs,
Parmi les vagues empourprées
Semaient des rires et des fleurs :
Car les corolles millénaires
Éparses en vol d'Orient
Calment les antiques colères
Et charment le triste Océan.
Pierre Quillard.