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Notes sur G.-Albert Aurier ==
De toutes les tâches qui peuvent incomber à
tel, selon les hasards plus ou moins sinistres de
la vie, il n'en est guère d'aussi délicate que celle-
ci : juger, un mois après sa mort, un jeune écrivain dont on fut l'ami.
Si l'on se tient dans les termes du strict, si l'on n'additionne que des résultats évidents: on risque, en voulant être trop juste, d'être trop dur; en
voulant être trop vrai, d'être trop sec ; en se bornant
au fait visible par tous, de s'enfermer dans
une littéralité trop discrète et même fausse.
D'autre part, si l'on ouvre l'oreille au conditionnel passé, si l'on soumet à la même opération
arithmétique les dons et les promesses, il est à
craindre que des envieux, un peu bornés, mais
d'autant plus influents sur la foule de leurs pareils,
ne contestent la légitimité du total.
Malgré ce dernier inconvénient, peu grave au
fond, j'essaierai de dire ce qu'Aurier a été et aussi
ce qu'il aurait dû être, en l'accomplissement de sa
vie, suivant la logique des choses et suivant la
logique de son talent.
Texte de sous-titre
Avec un tempérament outrancier d'observateur
ironiste, une tendance à des jovialités rabelaisiennes, Aurier se trouva, dès ses premières
années d'étudiant, engrené dans un mouvement