- Car, que fus-je, sinon, en ta vie, un passage,
- Et que fus-tu, sinon, en ma vie, un passage
- Des drames du Guignol où vont les enfants sages?
- N'avons-nous pas assez rossé le commissaire?
- Oh ! laisse donc un peu dormir le commissaire
- Et mon cœur pantelant que tes ongles lacèrent....
- Assez longtemps, je fus Monsieur Polichinelle,
- Et toi, tu fus trop Madame Polichinelle
- Dans les portants de ces décors de Tour de Nesles....
- Crois-moi : c'est assez vivre entre ces murs de toiles...
- Ah ! saluons le bon public ! Baissons la toile!
- Au dehors, le vrai ciel est scintillant d'étoiles.
- Chère mignonne, allons nous-en : c'est plus pratique.
- Laissons-la le bâton, la bosse et la pratique,
- Et, sans retard, quittons le métier dramatique:
- La farce en cent tableaux, que nous avons jouée,
- N'est-elle pas (il est minuit !) assez jouée?
- Reprends ton chapeau blanc et ta mine enjouée!
- Au plus vite, quittons ce stupide théâtre,
- Embrassons-nous encor aux portes du théâtre,
- Puis courons dormir, seuls, chacun près de son âtre,
- Car, que fus-je, sinon, en ta vie, un passage,
- Et que fus-tu, sinon, en ma vie, un passage
- Des drames du Guignol où vont les enfants sages ?...
G.-Albert Aurier.