Page:Mercure de France tome 002 1891 page 108.jpg
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De pâles violettes flétries, dont les pétales blancs se sont tristement refermés.
Et devant le bouquet fané elle s'est prise à songer.
Ils les avaient cueillies ensemble. Des souvenirs lui venaient de ce jour de printemps.
Sous la feuillée naissante, ils étaient allés. Une tiédeur parfumée emplissait la forêt de caresses moites et douces. Les grands arbres, aux troncs moussus, s'enveloppaient de soleil, et les abeilles y bourdonnaient. Ils avaient suivi un chemin qui s'ouvrait devant eux, où des arceaux verdoyants s'entrelaçaient au dessus de leur tête. Tout droit, ils marchaient sur le gazon plus tendre, vers les lointains embrumés d'or. Et c'étaient des vols effarés de petits oiseaux s'enfuyant à tire d'aile, des buissons fleuris qu'en passant ils frôlaient, des ballets de moucherons bruissant dans l'air réchauffé, et aussi des tapis d'anémones et de muguets qui ondulaient en frissonnant.
Toutes ces choses les rendaient heureux et ils erraient, enlacés, comme dans un rêve d'amour. Il ne lui parlait pas de peur de rompre l'enchantement ; mais ses yeux en les siens se plongeaient parfois, lui disant les adorations ineffables et les inouïes félicités. Elle s'émotionnait délicieusement de cet échange de regards, où s'abîmaient leurs âmes dans l'infini des contemplations. Elle aurait voulu rester toujours ainsi bercée par l'indistinct murmure, qui vibrait continu, perdue près de l'aimé dans cet isolement, au milieu de la forêt protectrice. Une vague langueur envahissait tout son être, elle sentait des bouffées de désirs confus venir brûler ses tempes.
Au pied d'un chêne enguirlandé de lierre, ils