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Version actuelle en date du 26 décembre 2014 à 19:19
J'ai placé, pour cacher son rictus trop morose,
A ses troublantes dents ma cigarette rose.
Puis j'ai posé le tout (à la place d'un saint)
Dans une niche, sur les velours d'un coussin.
Et je songe qu'ainsi (méditations mornes!)
La Catin ne peut plus me gratifier de cornes ! (2)
Ces deux notes, l'une de mélancolie, l'autre
d'ironie, persistèrent à sonner jusqu'à la fin dans
les vers d'Aurier, et on les retrouvera dans le
Pendu (3) et dans Irénée (4).
Quant aux caractères propres, différentiels, de
sa poésie, ce sont, il me semble, la spontanéité
et l'inattendu. Il ne fut jamais un chercheur de
pierres précieuses: il sertissait celles qu'il avait
sous la main, plus soucieux de leur mise en valeur
que de leur rareté ; mais, pêcheur de perles,
il le fut aussi trop peu et, trop confiant en sa
force improvisatrice, il laissa, même en des morceaux
jugés par lui définitifs, échapper des à peu
près et des erreurs. Cela vaut-il mieux que d'être
trop parfait ? Oui, quand la perfection de la forme
n'est que le résultat d'un pénible limage, d'une
quête aveugle des raretés éparses dans les dictionnaires, d'un effort naïf à tirer, sur le vide
d'une œuvre, un rideau constellé de fausses émeraudes
et de rubis inanes. Il est cependant une certaine dextérité manuelle qu'il faut posséder; il
faut être à la fois l'artisan et l'artiste, manier le
ciseau et l'ébauchoir, et que la main qui a dessiné
les rinceaux puisse les marteler sur l'enclume.
Mais là, Aurier pécha moins par omission que
par jeunesse, et s'il montra un talent moins sûr
que son intelligence, c'est que toutes les facultés
de l'âme n'atteignent pas à la même heure leur
complet développement ; chez lui, l'intelligence
avait fleuri la première et attiré à soi la meilleure
partie de la sève.
L'intelligence et le talent, voilà, je crois, une