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D'abord et brièvement : prétendre que telle ou telle épreuve s'impose comme an jugement divin, n'est-ce pas quelque présomptueux manquement au respect de Dieu?
Le croyant qui, premier, osa qualifier d'un titre aussi pompeux une des sanctions les plus féroces de notre courte vanité d'apparat s'érigea en hypocrite chrétien, et combien outrecuidant. Mais respectons Dieu; existant ou non, il est l'inoffensif refuge et l'illusionnante pacification de tant d'âmes qu'il ne faudrait combattre de lui que ses exploiteurs. Si Dieu nous accordait l'honorante importance de justicier, la piètre bestiole que nous sommes — dans l'infini — la traiterait-il d'égal à égal par l'entremise de nos mains si débiles?
D'ailleurs, sans discuter les impénétrables desseins de cette entité ni prouvée ni improuvée, la Providence, il devient supposable qu'expiation pour expiation, Celui qui nous condamnerait à naître ne pourrait contre nous peine plus cruelle sinon nous condamner à ne pas mourir.
Ne pas mourir!
Un tel état n'apparaît vraiment exister qu'en nos orgueilleux Rêves d'éternité, et s'il se réalisait qui ne le maudirait?
Hélas! la vie et la mort demeurent très manifestement de pérenelles contradictions de cet altier et révérable concept : l'au-delà, superbe paradis clos de promesses, mais trop ubiquitairement insitué.
Aussi laissons Dieu pour vénéré, pour salutaire,