Page:Mercure de France tome 002 1891 page 079.jpg
Version actuelle en date du 24 mai 2011 à 09:32
m'arrive de vous noircir, ce sera par politique et pour les besoins de ma cause. Me rendez-vous mon portrait ?
F. A. — Je le garde.
Mme V. — Il vaudrait mieux me le laisser ou le déchirer que de le jeter au fond d'une malle.
F. A. — Je tiens à le garder, et je dirai : c'est un portrait d'actrice qui était très bien dans une pièce que j'ai vue.
Mme V. —Et mes lettres?
F. A. — Vos lettres froides de cliente à fournisseur, je les garde aussi. Elles me défendront si on me soupçonne.
F. A. — Je me vois descendant les marches de l'église avec la petite en blanc. Et je pense — faut-il vous le dire ? — je pense à des histoires de vitriol.
Mme V. — Ah, vous me sondez! Eh bien, mon ami, changez vos idées au plutôt : elles vous donnent l'air niais. Est-ce assez vilain, un homme qui a peur ? Car vous avez peur, et vous vous tiendrez sur la défensive, le coude levé en parapluie. Ce sera drôle à divertir un saint dans sa niche. Vous mériteriez — mais je craindrais de tacher ma robe.
F. A. — Je m'en vais.
Mme V. — Oui, je sais, vous vous en allez — tout à l'heure.
F. A. — Quel beau livre on pourrait écrire sur nos amours. Il n'y aurait qu'a réciter.
Mme V. — Un livre gris, dont tout le noir serait pour moi et pour vous toute la neige.
F. A. — Je crois que ça se vendrait.
F. A — Dites-moi : nos petites affaires sont bien réglées Vous ne me devez rien. Je ne vous dois rien.
Mme V — Oh! mon ami.
F. A. — Permettez. Je crois ne vous avoir pas rendue trop malheureuse, et je tiens à ce que tout se termine correctement. Oui ou non, vous dois-je quelque chose ?
Mme V. — Voulez-vous une quittance ?
F. A. — Ma chère, vous êtes amère comme une orange dont il ne reste plus que l'écorce.
Mme V. — Vous seriez bien aimable de vous en aller.
F. A. — J'ai toute ma soirée à moi.