Page:Mercure de France tome 006 1892 page 153.jpg
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Version actuelle en date du 9 décembre 2014 à 17:23
L'énergie manque aux âmes supérieures, énergie qui seule serait capable de les détourner du pessimisme. Mais à quoi rappliqueraient-elles, conscientes qu'elles sont de la vanité de la vie?
L'optimisme n'est conséquent que s'il est à la fois matérialiste et se satisfaisant de la matière. L'optimiste qui aurait recours, pour soutenir son optimisme, au monde spirituel et à la vie future, avouerait par cela même l'insuffisance de l'existence actuelle et serait pessimiste.
Le pessimisme ne conclut pas absolument au néant; il n'y conclut que relativement à la vie connue et seulement dans l'hypothèse de l'impossibilité d'une vie inconnue et supérieure.
Toutes les religions sont pessimistes.
Le pessimisme seul est capable des grandes actions : toute grande action étant une révolte contre ce qui est pour l'établissement de quelque chose qui n'est pas encore et à quoi l'on ne penserait pas, si ce qui est n'était jugé insuffisant. Le pessimisme est l'âme du progrès.
Le pessimiste a l'esprit plus noble et plus porté vers le beau et le bien que l'optimiste. S'il n'avait pas un idéal supérieur à la nature, il ne trouverait pas celle-ci insuffisante. Le pessimiste est donc, en réalité, un idéaliste. Le pessimisme est le signe de l'aristocratie intellectuelle. La foule ne sera jamais qu'optimiste, incapable qu'elle est de rêver un univers différent de celui qu'elle voit.