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Mais combien d'œuvres du cycle réaliste s'élèvent
à cette expression synthétique du vrai ! M. Émile Zola, romantique autant qu'Hugo et descriptif-
symboliste, est sciemment demeuré à côté ; les frères de Goncourt avaient trop d'esprit pour
peindre vraie l'humanité lourdaude, et M. Edmond
de Goncourt travaillant seul est trop analyste ;
M. Huysmans aussi est trop analyste, et de plus
trop peintre ; trop analystes, chacun dans une note
différente, MM. Hennique , Céard et Camille
Lemonnier ; trop objectiviste M. Paul Alexis.
Et tous ceux qui vinrent ensuite procèdent de
ceux-là ou en exagèrent les difformités (relatives,
bien entendu, et dont plusieurs, considérées
sous un autre angle que celui où je les regarde
en cet article, sont des qualités de premier ordre),
et davantage s'écartent de l'expression adéquate
au concept réaliste. Il n'y a pour s'en rapprocher
que M. Alphonse Daudet, par places, et seulement
dans Sapho et dans l'Immortel, tous ses autres
livres étant tarés de « fleurbleuisme » et de
fausse sentimentalité. Seul , enfin, M. Guy de
Maupassant a touché barre parfois : certaines de
ses nouvelles sont achevées. Il semblait que l'auteur
d’Une Vie fût marqué pour, en se perfectionnant,
donner sa plus complète expression au
roman de vérité immédiate ; mais il est plus objectiviste encore dans Bel-Ami, et le voici maintenant à l'opposite, dans la psychologie.
Le cycle réaliste aura donc manqué du synthétiste que je veux dire, également loin du plat documentaire et de l'assommant psychologue quand même, troisième larron entrevu par M. Zola, j'imagine, alors que, s'avouant lui-même trop romantique pour cette tâche, il espérait des écrivains futurs l'accomplissement de l'œuvre rêvée. Ce troisième larron, à coup sûr, ne participerait