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ceux de sa génération et lui du Naturalisme, et
indiqué timidement leurs tendances vers un symbolisme
peut-être, en somme, incompatible avec le roman, M. Édouard Rod propose : « Si j'avais
la foi unilatérale de ceux qui croient au sens
précis des termes, je prendrais le mot INTUITIVISME,
et j'en ferais une étiquette à coller sur
le flacon où nous nous débattrions ensemble ».
Et, littérairement parlant, il définit l'intuitif « un
homme qui regarde en soi-même... Mais il ne
suffit pas de regarder en soi, il faut voir autre
chose que soi... L'intuitivisme, si par hasard on
voulait accepter ce mot, serait donc l'application
de l'intuition comme méthode de psychologie
littéraire : regarder en soi, non pour se connaître
ni pour s'aimer, mais pour connaître et aimer les autres ; chercher dans le microcosme de son
cœur le jeu du cœur humain ; partir de là pour
aller plus loin que soi, et parce qu'en soi, quoi
qu'on dise, se réfléchit le monde ».
Or, en quoi la méthode intuitiviste de psychologie
différerait-elle de la méthode (car il n'y en a
qu'une) de psychologie employée dans tous les
temps ? Hormis l'autobiographe, historien psychologue
plutôt que romancier, quiconque écrit un
roman n'a que son moi pour y voir dans le moi de
ses personnages ; et qu'il veuille aller plus loin que
soi ou en deçà, c'est toujours à son moi-boussole
qu'il lui faut recourir pour s'orienter, à son
moi-équateur pour mesurer les distances et régler
l'être qu'il crée. Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais
d'autre méthode de psychologie littéraire. Cela,
d'ailleurs, se prouve par l'absurde : comment le plus
génial des habitants de la Terre, supposé convaincu
que la Lune est peuplée, s'y prendrait-il pour l'étude
psychologique d'un habitant de la Lune, n'ayant
aucun terme de comparaison, aucune « fenêtre ou-